Les pays nucléaires ont investi des milliards de dollars dans chacun de leurs réacteurs nucléaires. L’exploitation de ces centrales pendant de nombreuses années est essentielle pour rentabiliser l’investissement, en produisant de grandes quantités d’électricité sans émissions. Plus leur durée de vie est longue, plus les avantages économiques et environnementaux sont importants.
Les 50 réacteurs nucléaires japonais ont une durée de vie de 60 ans. Dix-sept de ces réacteurs ont plus de 30 ans et font l’objet d’activités de maintenance visant à réduire les effets du vieillissement. Les exploitants nucléaires et les fournisseurs japonais ont coopéré pour financer un projet élaboré par l’Organisation japonaise de sûreté de l’énergie nucléaire (JNES) visant à améliorer les méthodes d’évaluation et de réponse au processus de vieillissement, c’est-à-dire la dégradation au fil du temps des matériaux métalliques dans le cœur du réacteur causée par les champs de rayonnement élevés.
Dans le cadre du projet JNES, l’entreprise Nippon Nuclear Fuel Development Co. (NFD) a collaboré avec le CCFN pendant plusieurs années afin d’étudier l’un des six types de dégradation, à savoir la fissuration causée par une combinaison de contraintes, de corrosion et de radiations, connue sous le nom de « fissuration par corrosion sous tension assistée par l’irradiation » (IASCC).
Le CCFN a mesuré les contraintes dans divers échantillons soudés d’aciers inoxydables utilisés pour construire le cœur des réacteurs japonais et susceptibles de se fissurer pendant la durée de vie du réacteur. Les échantillons ont ensuite été irradiés dans le réacteur japonais d’essai des matériaux pendant une période pouvant durer jusqu’à 100 jours, afin d’accumuler les dommages causés par le bombardement de l’acier par des neutrons rapides, simulant ainsi les conditions au sein des réacteurs nucléaires. En conséquence, les échantillons sont devenus hautement radioactifs, ce qui a obligé le CCFN à mettre au point un conteneur spécial pour les conserver en toute sécurité sur la ligne de faisceau de neutrons, afin de permettre des mesures de la distribution des contraintes à proximité des lignes de soudure. Le CCFN dispose de la seule installation de faisceaux de neutrons au monde dotée de cette capacité. Les résultats de cette recherche menée de 2000 à 2007 ont montré que le rayonnement neutronique rapide permet de diminuer les contraintes au sein des échantillons soudés, réduisant ainsi un facteur qui pourrait contribuer à la fissuration avec l’âge.
Les connaissances acquises grâce aux mesures des contraintes au CCFN ont été soumises au JNES et utilisées, avec les données des essais de taux de croissance des fissures et la modélisation théorique des contraintes et de la croissance des fissures, afin de rédiger un guide destiné aux exploitants nucléaires en 2009 pour évaluer la probabilité de fissure des composants du cœur du réacteur. En 2010, le JNES a soumis son guide d’évaluation, ainsi qu’une recherche plus large sur les technologies d’évaluation de l’IASCC, à un comité de la Société japonaise de l’énergie atomique chargé de développer et de normaliser les pratiques d’évaluation de l’IASCC. Bien que le guide lui-même reste provisoire parce qu’il devrait continuer à évoluer au fur et à mesure que de nouvelles connaissances émergent, les exploitants nucléaires l’utilisent actuellement pour prendre des décisions plus éclairées concernant le moment où ils doivent effectuer des opérations de remplacement coûteuses.
doi:10.1016/j.jnucmat.2010.11.023
Cet article de recherche a été republié avec l’autorisation de l’Institut canadien de diffusion des neutrons.