Le prix Nobel de 2016 a été décerné à des physiciens américains nés au Royaume-Uni en reconnaissance de leurs découvertes théoriques dans le domaine des matériaux quantiques : David J. Thouless, F. Duncan M. Haldane et J. Michael Kosterlitz.
Pour approfondir notre compréhension des matériaux, il faut recourir à la fois à la théorie et à l’expérimentation. Les lauréats de cette année ont fait appel aux mathématiques avancées pour prédire un comportement des matériaux qui remettait en cause des idées conventionnelles. Cependant, la communauté scientifique doit confirmer les prédictions des théoriciens par des expériences avant de les accepter pleinement. En outre, il faut souvent attendre bien des années avant de reconnaître la pleine valeur de leurs réalisations.
Dans les années 1970 et 1980, ces scientifiques ont remis en question notre compréhension de la conductivité électrique des matériaux et ont beaucoup contribué à la compréhension de la supraconductivité, un phénomène où certains matériaux perdent toute leur résistance électrique à des températures très basses.
Les modèles de Thouless, Haldane et Kosterlitz utilisaient une branche des mathématiques appelée « topologie » pour prédire d’étranges phénomènes dans des « mondes plats », c’est-à-dire dans des couches extrêmement fines de matériaux que l’on peut considérer comme bidimensionnels, voire unidimensionnels.
En 1982, Duncan Haldane a prédit que les chaînes unidimensionnelles d’atomes magnétiques auraient des propriétés différentes dans la mesure où leurs spins atomiques contiendraient un nombre pair ou impair d’électrons, les deux types autorisés par la physique quantique. Sa prédiction, selon laquelle un vide énergétique, connu sous le nom de « gap de Haldane », se formerait pour les valeurs entières de spin mais pas pour le spin demi-entier, a donné lieu au premier exemple d’un nouveau type de matériau découvert grâce à la topologie.
Personne n’a cru Haldane au début, car dans le milieu de la physique, on croyait déjà comprendre ces chaînes magnétiques.
Bill Buyers, du CCFN, ainsi que Rose Morra, Robin Armstrong, Mike Hogan et Peter Gerlach, ont réalisé en 1985 la première expérience qui confirmait l’existence du gap de Haldane par l’étude d’un composé d’halogénure de césium et de nickel (CsNiCl3) au moyen de faisceaux de neutrons dans le réacteur NRU. L’équipe a réalisé cette étude en collaboration avec l’Université de Toronto et avec Kin Hirakawa de l’Université de Tokyo (Japon), responsable de la croissance du cristal de CsNiCl3. Au cours de la dernière décennie, l’étude des matériaux topologiques a défini la recherche de pointe en physique de la matière condensée et a mené à la découverte de plusieurs autres états topologiques inattendus de la matière, dont certains dans des matériaux tridimensionnels ordinaires.
DOI: 10.1103/PhysRevLett.56.371
Cet article a été rédigé par CCFN à partir de documents de la Fondation Nobel.
Cet article de recherche a été republié avec l’autorisation de l’Institut canadien de diffusion des neutrons.
