Chacune des billions de cellules du corps humain est entourée d’une membrane lipidique. L’hypothèse de l’existence de « radeaux » dans les membranes cellulaires a été avancée pour expliquer un large éventail de fonctions cellulaires. Ces radeaux, considérés comme de minuscules îlots d’ordre flottant dans des océans de lipides moins ordonnés, étaient censés être induits par le cholestérol. Leur existence a été débattue pendant de nombreuses années, car l’observation de ces petits radeaux éphémères s’est avérée difficile. Cependant, de multiples observations expérimentales directes de ces radeaux ont été obtenues grâce aux neutrons du Centre canadien de faisceaux de neutrons.
Une équipe de recherche, dirigée par le professeur Maikel Rheinstadter de l’Université McMaster, s’appuie maintenant sur ces observations pour comprendre le rôle du cholestérol dans ces radeaux, ainsi que la manière dont l’aspirine les affecte. L’équipe de recherche utilise une combinaison de simulations informatiques et de diffraction de neutrons au CCFN pour étudier les membranes lipidiques contrôlées qui modélisent les membranes cellulaires.
« Les résultats montrent comment l’aspirine perturbe les structures que le cholestérol veut créer dans les membranes.
L’équipe a publié ses récentes conclusions dans la revue de physique de haut niveau Physical Review Letters. Ils ont identifié trois structures impliquant des molécules de cholestérol dans des membranes modèles: (1) des paires de molécules de cholestérol liées l’une à l’autre et flottant dans les lipides à l’extérieur des radeaux ; (2) des radeaux contenant à la fois des lipides et des molécules de cholestérol formant un motif ordonné ; et (3) des plaques de cholestérol.
L’équipe de recherche a également examiné les effets de l’ajout d’aspirine à ces membranes. En plus de soulager les maux de tête et la fièvre, l’aspirine est connue pour améliorer les résultats des patients souffrant d’hypercholestérolémie ; le cholestérol rigidifie les membranes, tandis que l’aspirine les relâche. Les mécanismes exacts en jeu n’ont toutefois pas été entièrement compris.
En collaboration avec l’équipe du professeur Thad Harroun de l’Université Brock, les chercheurs ont utilisé la diffraction des rayons X pour montrer que l’aspirine perturbe localement l’organisation de la membrane, créant un désordre qui rend difficile la formation de radeaux. Ils ont ensuite examiné l’organisation moléculaire des lipides, du cholestérol et de l’aspirine par diffraction des neutrons. Les résultats montrent que les molécules d’aspirine s’organisent de manière régulière dans la membrane, chaque molécule d’aspirine s’associant à deux molécules de lipides.
En outre, les radeaux n’ont plus été observés lorsque l’aspirine a été ajoutée, ce qui confirme que la présence d’aspirine empêche la formation de radeaux. Ces résultats s’ajoutent à un nombre croissant de preuves que l’aspirine exerce son influence sur les membranes par le biais d’interactions non spécifiques (par opposition à la liaison au cholestérol, par exemple). Ces résultats ont été publiés en 2015 dans la revue Biochimica et Biophysica Acta (BBA) – Biomembranes
DOI:10.1103/PhysRevLett.113.228101
DOI:10.1016/j.bbamem.2014.11.023
Cet article de recherche a été republié avec l’autorisation de l’Institut canadien de diffusion des neutrons.