« Le cancer de l’ovaire affiche le taux de mortalité le plus élevé de tous les cancers féminins. La mise au point d’un test de détection précoce est essentielle à l’amélioration des taux de survie. »
Le professeur Michael Thompson, Université de Toronto, a mis au point des revêtements superficiels destinés à garantir la compatibilité des appareils médicaux avec les liquides organiques avec lesquels ils entrent en contact. Il travaille maintenant avec une entreprise dérivée, Econous Systems Inc., pour poursuivre le développement et la commercialisation de ses découvertes.
Il y a souvent formation de caillots sanguins lorsque les liquides organiques entrent en contact avec des appareils médicaux, notamment les cœurs-poumons artificiels qui assurent la circulation sanguine lors d’un pontage cardiaque. Ces caillots provoquent environ 50 000 décès par an rien qu’aux États-Unis et peuvent entraîner d’autres complications médicales graves, coûtant au système de santé américain un montant annuel estimé à un milliard de dollars.

L’incompatibilité entre les liquides organiques et les appareils médicaux peut aussi fausser les tests médicaux ou contaminer les implants lorsque les protéines des liquides organiques adhèrent à la surface des appareils, un processus appelé « encrassement ». L’encrassement constitue souvent un problème au fil des phases de développement des appareils médicaux.
Il est possible d’atténuer la coagulation et l’encrassement grâce à l’utilisation de revêtements antiencrassement qui empêchent l’adhérence des protéines.
Au cours des 30 dernières années, les scientifiques ont tenté de cerner le fonctionnement précis de l’effet antiencrassement. Bien que l’on ait longtemps soupçonné que les molécules d’eau adhérant aux revêtements de plastique produisaient cet effet en repoussant les protéines de l’organisme, cette théorie n’a pas pu être prouvée.
Pour mettre cette théorie à l’épreuve et mieux comprendre le fonctionnement de leurs revêtements à l’échelle moléculaire, Thompson et Econous Systems ont fait appel au Centre canadien de faisceaux de neutrons (CCFN).

Les revêtements antiencrassement sont en général composés de couches de plastique très fines, parfois monomoléculaires, ce qui rend leur étude difficile avec la plupart des techniques. Les revêtements d’Econous sont particulièrement fins, mesurant moins d’un nanomètre (c.-à-d. 100 000 fois plus fins qu’un cheveu humain). Toutefois, une technique neutronique particulière, appelée réflectométrie neutronique, permet de détecter des revêtements aussi fins, notamment parce que les neutrons sont particulièrement sensibles aux nombreux atomes d’hydrogène présents dans les molécules de plastique.
Au CCFN, l’équipe de recherche a utilisé la réflectométrie neutronique pour examiner deux revêtements antiencrassement différents. Même si les deux revêtements ne présentaient que de légères différences en matière de structure moléculaire, l’un d’entre eux s’est avéré beaucoup plus efficace pour repousser les protéines. Les résultats expérimentaux, publiés en 2014, ont montré que le revêtement le plus efficace absorbait l’eau et créait aussi une couche extérieure distincte de molécules d’eau ordonnées (c.-à-d. géliforme) d’environ deux nanomètres d’épaisseur, bien plus épaisse que le revêtement lui-même. Au-delà de cette couche gélifiée, l’eau redevient normale.
Essentiellement, la couche d’eau au-dessus de la surface forme un « nano-gel » stable, explique Thompson. « Ce gel offre une séparation suffisante pour permettre au liquide organique de continuer à agir normalement, car il ne perçoit pas la présence d’un corps étranger. Ils sont maintenus juste assez loin l’un de l’autre pour que les protéines ne collent pas et que le sang ne coagule pas. » En fait, des essais en laboratoire ont démontré que l’un des revêtements d’Econous réduisait la coagulation du sang de 97 % - et ce, sans anticoagulant.
Après les mesures au moyen de faisceaux de neutrons, les scientifiques ont procédé à des simulations informatiques en collaboration avec l’Université de Limerick, en Irlande. Les résultats des simulations, publiés en 2014, ont corroboré les résultats expérimentaux et apporté des données complémentaires. Ensemble, les études présentent de solides données probantes quant à la détermination de la base moléculaire à l’origine de l’effet antiencrassement des revêtements d’Econous.

Selon Thompson, « nos recherches ont permis d’obtenir une explication générale du mécanisme antiencrassement, nous donnant l’assurance que notre technologie convient parfaitement aux applications visées ». Cette meilleure compréhension se révélera probablement essentielle dans les initiatives futures visant à mettre au point et à modifier les revêtements antiencrassement pour des produits de santé particuliers.
Par exemple, Econous applique actuellement l’un des revêtements de Thompson à la mise au point d’un test sanguin peu coûteux pour la détection précoce du cancer de l’ovaire. Ce cancer présente le taux de mortalité le plus élevé de tous les cancers féminins, car il a peu de symptômes avant un stade avancé, moment où il est souvent trop tard pour intervenir. En empêchant l’encrassement de l’échantillon sanguin, le test d’Econous offrirait un moyen fiable de détecter les biomolécules associées au cancer de l’ovaire et de déterminer si une femme est à risque et a besoin d’un examen plus approfondi. En outre, le test pourrait être suffisamment simple et peu coûteux pour sa mise à l’échelle, même dans les pays en voie de développement.
Les revêtements antiencrassement comme ceux mis au point par Thompson et Econous constituent une avancée passionnante pour améliorer les résultats en matière de santé par l’augmentation de la biocompatibilité des appareils médicaux. En outre, cette technologie pourrait permettre à toutes les femmes de bénéficier d’un dépistage facile du cancer de l’ovaire, ce qui apporterait une tranquillité d’esprit à des millions de personnes.
Cet article de recherche a été republié avec l’autorisation de l’Institut canadien de diffusion des neutrons.
